Réaction à François Clavairoly

Je réagis à la phrase soulignée en gras (par moi) dans l’édito de François Clavairoly, président de la Fédération Protestante de France dans la newsletter d’octobre 2014,

«  Le 18 septembre, de passage à Paris, le roi de Jordanie a invité les responsables religieux de notre pays. Dans un échange fait de confiance et de respect, il  nous fait part de deux questions : qu’avez-vous fait et enseigné toutes ces années, pour que certains de vos jeunes partent en guerre à ce point contre la civilisation ? Etes-vous bien sûrs de vos alliés dans cette région du Proche-Orient ? Que peuvent répondre les responsables religieux à ces questions ? Que pouvez-vous répondre, cher lecteur ? Je vous laisse un temps de réflexion…

Je suis particulièrement sensible à la question du proche orient de part mes origines levantines. Et lorsque les syriens se sont levés pacifiquement en mars 2011 à la suite des printemps arabes, je me suis sentie solidaire de ce peuple et me serais bien rendue en Syrie pour soutenir les manifestations pacifiques, si j’avais su parler arabe.

Lorsque je lis la presse au sujet des jeunes français d’origine étrangère qui quittent ou tentent de rejoindre les groupes armés en Syrie ou en Irak, je repense aux violences urbaines qui se déroulaient dans les années 90 dans les grandes agglomérations, ici en France. De jeunes français fomentaient ces troubles. Ils avaient besoin d’exprimer par l’action violente la rage qui les habitait ; fureur à l’égard de leur vie sociale, des humiliations accumulées, de l’absence d’avenir devant soi, de la perte de confiance à l’égard des institutions, etc…

Lorsque vers la fin des années 90 j’ai commencé à me rendre dans des lycées, appelée comme un pompier pour apaiser les tensions, je me suis rendue compte que peu d’enseignants couraient le risque de donner la parole aux élèves  lorsqu’ils y avaient eu des « violences urbaines »  dans certains quartiers de la ville ou des violences de l’autre côté de la mer, en Palestine notamment. Pourtant ces jeunes piaffaient d’impatience de parler et d’être écoutés et entendus. « Nous ne savons pas faire » disaient les enseignants qui ne s’y risquaient pas. « Si nous leur donnons la parole, ils vont s’écharper ! » Certes, quand la peur anime les professionnels, il vaut mieux qu’ils ne fassent rien plutôt que d’être débordés par une situation trop résonnante et pas assez raisonnée.

« Nous ne sommes pas formés », ajoutaient-ils et en cela ils n’avaient pas tort. A mon avis l’école française repose sur une illusion, celle de croire que le savoir ou que les connaissances sont suffisantes seules pour former un être humain. Trop livresques, théoriques ou scolaires, trop loin des préoccupations des enfants et des jeunes, les programmes scolaires remplissent pour un temps les têtes mais ont peu ou pas d’impact sur la personne en construction, en recherche de son souffle vital, d’idéaux à inventer, de projets dignes d’intérêts, de solidarités à construire, etc…

Et si la société médiatique est à leurs yeux plus digne d’intérêt que la culture scolaire, cet intérêt ne dure qu’un temps car ils s’aperçoivent rapidement qu’en se nourrissant exclusivement de produits consommables, ils n’échappent pas à la saturation et à la crise de foi(e).

Edith TARTAR GODDET